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  • Loi sur le devoir de vigilance : bravo au Sénat d'avoir réécrit le texte !

    Publié aux Echos

     

    LE CERCLE/HUMEUR - Les sénateurs ont profondément corrigé le texte de loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Les modifications apportées vont dans le bon sens.

    Le 13 octobre dernier, le Sénat a adopté en 2e lecture une version édulcorée du projet de loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Les pressions étaient pourtant fortes, nourries du drame du Rana Plaza et son millier de victimes . Le simple fait d’être une multinationale n’ayant pas su prévenir une catastrophe à l’autre bout du monde la condamnerait à une amende civile de 10 millions prononcée en sus des dommages et intérêts.

     
     
     

    Tels étaient, en substance, les termes du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. Fort heureusement, le Sénat a su revenir sur ces dispositions dont l’application aurait été funeste, présentant une nouvelle fois le visage d’une assemblée à la hauteur de vue appréciable, débarrassée des idéologies.

    Impossible de tout contrôler

    L’article relatif aux sanctions est purement et simplement annulé. Le remplacement de l’article L.233-16 du Code de commerce (texte de l’Assemblée nationale) par l’article L.233-3 du même Code (texte du sénat) n’est ni un détail ni un ressort technique incompréhensible du commun. 

    Les observateurs du commerce international savent bien que passées les idéologies de salon, il est extrêmement difficile pour un groupe, quel que soit sa taille et sa puissance de faire appliquer des standards occidentaux dans des endroits du monde aux usages et préoccupations différents. Surtout, les spécialistes des chaînes de valeur savent qu’au-delà du 4e degré, voire du 3e, de sous-traitance, il est presque impossible d’exercer un contrôle efficace.

    Certes, il est théoriquement envisageable d’envoyer des émissaires destinés à exercer cette mission. La pratique actuelle des contrôles de qualité et de certification des produits fabriqués par les multinationales à l’étranger suffit à comprendre à quel point ils sont délicats à imposer et à appliquer, car il faut tenir compte des particularismes culturels locaux.

    Périmètre élargie

    Les relations d’affaires internationales, si elles se veulent fructueuses, se nourrissent d’une certaine dose de confiance. Dans sa grande sagesse, le Sénat a également réduit le périmètre juridique du groupe en choisissant de substituer aux 10.000 salariés choisis par l’Assemblée le seuil de réaliser un total de bilan de plus de 20 millions d’euros ou un montant net de chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros et un emploi d’au moins cinq cents salariés permanents, sous la réserve que le groupe soit côté en bourse.

    Lire aussi :
    > Devoir de vigilance : quel impact pour les entreprises ?  
    > Devoir de vigilance : excès de régulation en vue

    Nul ne contestera que les groupes réalisant ces chiffres sont un peu plus nombreux que ceux visés par l’Assemblée. Finalement, le Sénat a choisi d’élargir le nombre de multinationales les faisant passer des géants aux grosses PME, mais cotées en bourse (ce qui nuance l’élargissement), en supprimant le spectre de la sanction, mais en accroissant leurs contraintes.

    Une avancée notable

    Illustration de cette idée, le Sénat crée l’obligation d’inclure dans le plan de vigilance, outre les risques d’atteinte aux droits de l’homme, à l’environnement…, des mesures destinées à prévenir et détecter la commission de faits de trafic d’influence en sus des faits de corruption. Cette avancée est notable.

    Certains se plaignent de ce que le temps restant à la législature actuelle risque de mettre en péril ce devoir de vigilance. Réjouissons-nous, au contraire, de ce que ce texte n’aboutisse pas tant il faudrait une vision européenne, élargie de cette question. Que pourrait la France en se dotant d’une législation isolée et caricaturale qui aurait comme seul effet de provoquer une fuite des sièges sociaux vers des contrées plus réalistes ?


    En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-161510-le-senat-bloque-le-devoir-de-vigilance-des-multinationales-2035194.php?YchZy4w2JkwkI2Cu.99#xtor=CS1-32
  • Les données personnelles au cœur des négociations sur le TISA (Trade In Services Agreement)

    Publié aux Echos

     

    Le projet d’accord sur les services, le TISA (Trade In Service Agreement), est bloqué sur la question du transfert des données personnelles.

    Le TISA vise à libéraliser les services (téléphoniques, bancaires, internet...) entre 50 pays, faisant de lui le plus grand accord commercial international. Les négociations se déroulaient jusqu'à présent dans la sérénité jusqu'à ce que vienne la question des "data", ces données dont tout le monde parle aujourd'hui en les qualifiant de Big pour leur promettre d'être le pétrole de demain.

    L'échange de services doit-il englober les données personnelles des clients de ces services ? La question ne se poserait pas si l'ensemble des pays négociateurs partageait une même approche.

    Une diversité d'approche

    L'Union européenne est très attachée à la protection de la vie privée et veille donc à ne pas autoriser un transfert des données au profit de pays qui ne la respectent pas, à tout le moins, qui ne la respectent pas avec un haut niveau de protection.

    À l'inverse, les États-Unis considèrent que les données personnelles doivent être automatiquement intégrées dans le TISA sans autre état d'âme. Ces données sont des éléments clés du business. Absorbées par les Big data, elles permettront bientôt de pouvoir proposer aux clients des publicités ciblant avec précision l'objet de leur désir. Mais, pour ce faire, il faut entrer, un peu, dans l'intimité des gens pour réussir à décrypter leur comportement. Les citoyens se résument ainsi à être des consommateurs.

    Comme souvent, là où l'Europe se penche sur les questions éthiques, de protection des droits de l'homme, les États-Unis raisonnent en termes de business. Il n'y a cependant pas que les États-Unis qui posent souci. D'autres États à la négociation, la Turquie, la Colombie ou le Pakistan, n'ont pas le même standard élevé de protection.

    Est-il opportun, avec ces derniers également, d'inclure les données dans le TISA même si le risque d'utilisation est, là, bien moins grand ? Mais il s'agit d'une question de principe ! Et cette question est suffisamment lourde pour avoir suscité bien des débats au sein même de la Commission européenne.

    Signature d'un accord de transfert des données sous forme de compromis

    Un compromis avait vu le jour, cet été, favorisant l'écriture d'une clause garantissant le transfert des données, mais assortie d'une formulation ambiguë aux termes de laquelle la protection européenne ne pourrait être mise à mal par l'accord, rappelant que le droit européen interdit ce transfert au profit de pays non européens ne garantissant pas une protection de la vie privée similaire à la nôtre. Une sorte de "Oui, mais" qui aboutit à la signature, le 11 octobre dernier, d'un accord autorisant le transfert.

    Certains observateurs ont déploré qu'en pratiquant ce "Oui, mais", certains officiels bruxellois s'étaient montrés trop confiants, considérant qu'ils tenaient les Américains, avant de céder sous leurs pressions au grand dam des défenseurs du droit à la vie privée.

    Assez cyniquement, d'autres ont argumenté, non sans raison, qu'un accord commercial vise à faciliter le commerce, et non la protection de la vie privée ! Pour sortir de ce piège, la Commission a imaginé transmettre le texte de cette clause autorisant les transferts de données à chaque État membre de l'Union pour qu'il puisse vérifier la compatibilité de son droit ; idée qui à l'heure actuelle est restée un voeu pieux.

    Certains craignent que le TISA puisse contrarier le futur nouveau droit européen de la protection des données personnelles qui doit entrer en vigueur en 2018. Les industriels des services reprochent, de leur côté, à la Commission européenne d'être hyper protectionniste en matière de données et que cette attitude puisse contrarier le processus global de négociation d'accords commerciaux internationaux en cours (TTIP, TISA, Accord avec le Japon... etc.).

    Il n'est pas faux de considérer qu'en l'état actuel, les géants d'internet, de la téléphonie, de la banque et des services financiers... voient d'un mauvais oeil cette frilosité européenne et pourraient être tentés d'implanter leurs activités en dehors de l'Europe ou de relocaliser ce qui y est déjà. Certaines données, qui touchent aux opinions, aux préférences, à l'état de santé, doivent être absolument protégées. D'autres comme la date de naissance ou le goût pour le chocolat...


    En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-161410-les-donnees-personnelles-au-coeur-des-negociations-sur-le-tisa-trade-in-services-agreement-2034512.php?j62wj4k68u7QelWk.99