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  • Extraterritorialité des lois américaines : comment réagir ?

    Publié aux Echos.

    L’extraterritorialité des lois américaines et la conception nouvelle qu’elle porte sur le droit du commerce international obligent les entreprises françaises à définir des plans d’action. Quels sont-ils ?

    Donald Trump n'est pas entré officiellement en fonction qu'il continue de défrayer la chronique. Et l'un des sujets d'inquiétude majeurs, si l'on fait exception à ses tentations protectionnistes, voire belliqueuses, consiste à redouter un durcissement de la politique d'extraterritorialité des lois américaines

    Une extraterritorialité des lois américaines protéiforme

    Il faut immédiatement clore la question qui pourtant anime tous ceux qui s'y intéressent : qu'elle puisse être suspectée d'être illégale ou injuste, l'extraterritorialité des lois américaines s'applique sans qu'il soit opportun de chercher à la contester.

    La richesse des incriminations (les autorités américaines sont souvent désignées par leurs acronymes : FCPA, BCA, IEEPA, RICO...) et autres lois prononçant des embargos n'a d'égale que la conception américaine de leur "politique juridique extérieure", dont le rayonnement ne risque pas de faiblir avec le Président Trump.

    Le caractère non judiciaire des procédures diligentées non pas par le Department of Justice, mais par les autorités administratives, est finalement un atout en comparaison de nos procédures françaises où il faut parfois 10 ou 15 ans aux affaires complexes avant d'être jugées. Il faut bien comprendre que vouées à être closes dans un "deal de justice", jamais les affaires ne donneront lieu à un quelconque traitement judiciaire. Le droit de la régulation économique internationale se passe donc du juge.

    L'empreinte juridique de ces deals reste pauvre quand l'on sait que le contenu des protocoles se résume à la formule dépourvue d'équivoque "neither admit not deny" (n'admet pas plus qu'il ne conteste), voulant dire que les entreprises amenées à payer les amendes le font sans aucune motivation juridique.

    Soyons clairs. Voir dans ces deals une forme de "racket" justifié par la crainte de se voir interdire l'usage du dollar ou du territoire américain n'est pas totalement exagéré, même si les pratiques se dissimulent derrière les paravents de recherche de probité et de lutte contre les fraudes.

    Établir des plans de prévention

    La multitude des affaires (de Siemens à BNP Paribas) a permis de saisir avec précision les exigences américaines auxquelles il faut répondre. Le plan de prévention, de "compliance", doit ainsi suivre l'ensemble des recommandations préconisées par toutes les autorités américaines.

    Il doit mettre en place un service de conformité doté de moyens réels de lutte contre la corruption, le blanchiment, la fraude... et l'assortir d'un guide de bonnes pratiques.

    Doivent être diligentés des audits aussi vastes que précis permettant d'examiner chaque courriel, chaque contrat, chaque facture, chaque recoin de l'entreprise. L'affaire Siemens, en 2008, avait été l'occasion d'une collecte de plus de 100 millions de documents qui avaient tous été étudiés.

    Qu'elle soit considérée comme exagérée ou caricaturale, cette compliance est désormais une exigence connue des entreprises amenées à développer leur activité dans une sphère internationale au contact des pratiques américaines. Le nier ou l'oublier ne la fera pas disparaître.

    Le taux d'impréparation des entreprises françaises reste souvent important, même au sein des plus grandes qui n'ont parfois qu'une approche incomplète et cosmétique des politiques à mettre en place, les jugeant inutiles ou injustes.

    Ne pas oublier les obligations françaises

    Les démarches pour se mettre en conformité avec les contraintes américaines ne doivent pas faire oublier les obligations françaises qui ne cessent de se renforcer et dont l'application peut être regardée comme démontrant la prise en compte par les entreprises françaises de ces questions sensibles.

    Il en est ainsi de la future loi sur le devoir de vigilance des entreprises multinationales dont on nous promet une promulgation rapide et qui va obliger à la rédaction d'un plan de vigilance sérieux. Il en est également ainsi de la loi Sapin 2 qui est appelée à donner un cadre et un accompagnement sur le chemin de la lutte contre la corruption.

    Le volume des obligations pesant sur les entreprises ne va pas cesser de croitre et la compliance devenir une des fonctions majeures des équipes de gouvernance. Malheureusement, à ce jour, les entreprises françaises sont très en retard.

    Le secours des techniques d'ingénierie financière et contractuelle

    Pour finir, il serait bon de ne pas tomber dans la paranoïa ambiante dès lors que l'on évoque cette question.
    Le droit des contrats, le droit bancaire et celui des sociétés sont à même de fournir aux entreprises empêtrées dans des zones de risques de très intéressants schémas dont le déploiement est tout à fait légal et permet de garantir la sécurité juridique des opérations visées.

    L'avenir semble promis à une guerre commerciale mondiale contre laquelle il serait avisé de disposer des bons outils.


    En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-164804-extraterritorialite-des-lois-americaines-comment-reagir-2056322.php#MmJZzoQFugcHGRKs.99
  • Débat du jour RFI. Faut-il supprimer la Cour de Justice de la République?

    La Cour de Justice de la République (CJR). Ce soir, avec nos invités, on se penche sur cette juridiction pas comme les autres. Chargée de juger les ministres, elle est composée de 6 députés, 6 sénateurs, et de trois juges de la Cour de cassation.
    Créée en 1993, à la suite de l'affaire du sang contaminé, elle n'a rendu que 5 verdicts et essentiellement, des relaxes ou des condamnations sans sanctions.
    Ce fut le cas, ce mois-ci, à l'issue du procès de Christine Lagarde. L'ancienne ministre de l’Economie, jugée pour son arbitrage dans l'affaire Tapie, a été reconnue coupable de négligence par la CJR, mais aucune peine n'a été prononcée.
    Une nouvelle polémique pour cette juridiction controversée.
    Faut-il la supprimer ? C'est le débat de ce soir sur RFI.

     

    Pour en débattre :

    - Denis Baranger, professeur de droit public à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), auteur de Ecrire la Constitution non-écrite : une introduction au droit politique britannique aux Presses Universitaires de France

    - Hervé Guyader, avocat au Barreau de Paris, docteur en droit, président du Comité français pour le droit du commerce international.

    http://www.rfi.fr/emission/20161227-faut-il-supprimer-cour-justice-republique?ns_campaign=reseaux_sociaux&ns_source=FB&ns_mchannel=social&ns_linkname=emission&aef_campaign_ref=partage_user&aef_campaign_date=2016-12-27

  • Procès Lagarde : faut-il supprimer la Cour de justice de la République ?

    Publié aux Echos.

    LE CERCLE/HUMEUR - Christine Lagarde condamnée pour négligence, mais dispensée de peine : certains y voient l'inutilité de la CJR, c'est une erreur.

    Créée en 1993, la Cour de justice de la République (CJR) ne s’est prononcée qu’une dizaine de fois aboutissant à 6 décisions de la commission d’instruction (4 non-lieux, 1 incompétence et 1 prescription) et 4 arrêts prononcés

    Trois le furent à l’occasion d’affaire du sang contaminé où Edmond Hervé fut reconnu coupable, mais dispensé de peine ; la dernière affaire a condamné Charles Pasqua à un an de prison avec sursis pour recel d’abus de biens sociaux en 2010.

    L'affaire de l'arbitrage Tapie

    Voici donc l’ancienne ministre de l’Économie reconnue coupable de négligence, mais dispensée de peine dans la célèbre affaire de l’arbitrage Tapie.

    Particularité du dossier, le Parquet avait requis un non-lieu à poursuivre en septembre 2015, et réclamé une relaxe lors des réquisitions le 15 décembre.

    Les trois magistrats professionnels accompagnés des six députés et six sénateurs composant la CJR sont donc allés à l’encontre de la position du Ministère public qui représente l’État, seule victime de ce procès.

    Un dossier très délicat

    Au-delà du prononcé de la dispense de la peine, c’est la clarté des réquisitions du Parquet qui surprend, tant celles-ci se prononcent sans ambiguïté pour l’innocence de Madame Lagarde.

    Tout au plus peut-on y voir un "mauvais choix politique", une faute politique. Mais, d’un point de vue strictement juridique, le dossier péchait de tous les côtés et manquait fondamentalement en droit.

    Il est aisé de condamner politiquement, mais bien plus délicat de condamner en droit, tant le droit pénal est un droit sérieux, débarrassé des considérations polémiques et idéologiques.

    Aux urnes la politique

    La faiblesse de l’acte accusatoire explique sans nul doute le verdict panaché d’une sanction politique, finalement morale, et d’une dispense réelle de sanction tant elle eut été inique juridiquement et n’aurait sans doute pas franchi le crible d’une saisine de la Cour de cassation. Celle-ci juge en droit, et uniquement en droit !

    Lire aussi :
    > Arbitrage Tapie : Christine Lagarde reconnue coupable mais dispensée de peine
    > Le procès Lagarde ou la négligence du droit

    Or, une faute politique ne se sanctionne pas dans un tribunal, mais dans les urnes !

    Tout un symbole

    La mixité, l’ambivalence de la CJR mêlée de parlementaires en nombre plus conséquent que de magistrats professionnels est sans doute sa principale faille, sa faiblesse juridique. Qui plus est, elle coûte une fortune pour une efficience discutable.

    En clair, elle sert aussi peu que l’ISF , l’impôt sur la fortune. Mais comme ce dernier, son essence est toute symbolique.

    La CJR est un symbole puissant de ce que les ministres sont des citoyens comme les autres, des justiciables dont les actes peuvent être présentés à des juges. Dans une République comme la nôtre, certains symboles, que d’autres appelleront les institutions, sont utiles.

    La justice est présente

    Voir dans la procédure Lagarde un simulacre est exagéré tant la conduite de l’ensemble de l’instruction et du procès furent sérieux et rigoureux, illustration de l’exemplarité de la justice française.

    Mais il n’est pas faux de relever que jamais Madame Lagarde n’a eu à être réellement inquiète dans un dossier creux.

    Assurément mal construite, sans doute maladroite, la CJR a le mérite de démontrer que la justice française est partout. Et cela justifie qu’elle perdure.

    Hervé Guyader est président du Comité français pour le droit du commerce international


    En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-164205-faut-il-supprimer-la-cour-de-justice-de-la-republique-2052371.php#xtor=CS1-31#qqc9MbhKa8YDLQPM.99