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  • Pourquoi le Conseil Constitutionnel a-t-il validé le CETA ?

    Publié aux Echos

    C’est sans surprise que le Conseil constitutionnel a validé, le 31 juillet 2017, le CETA, accord de libre-échange unissant l'Union européenne et le Canada.

    Les pressions étaient pourtant considérables. Le Conseil constitutionnel avait été saisi par plus de soixante députés qui prétendaient que plusieurs clauses de l'accord ratifié par le Parlement européen le 15 février 2017 étaient contraires à la Constitution, allégations soutenues par de nombreuses ONG et opposants.

    Confirmation de la nature mixte de l'accord

    Le Conseil Constitutionnel retient, pour débuter, la nature mixte

    de l'accord, reprenant l'analyse développée par la Cour de Justice de l'Union européenne dans son arrêt Singapour. Le CETA contient des stipulations relevant pour certaines de la compétence exclusive de l'Union et pour d'autres de compétences partagées avec les États membres. En découle une nature mixte qui justifie qu'en sus de l'approbation du Parlement européen, chaque parlement national soit consulté.

    Ainsi, pour chacune des clauses, et suivant la nature de la compétence, le Conseil constitutionnel a examiné leur compatibilité constitutionnelle. Plus précisément, s'agissant des domaines sur lesquels l'Union jouit d'une compétence exclusive, le Conseil constitutionnel a limité l'étendue de son contrôle à la vérification que l'accord ne met en cause aucune règle ou principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. En l'espèce, eu égard à l'objet de l'accord, qui a le caractère d'un traité de commerce, le Conseil constitutionnel a jugé qu'aucune règle ou principe de cette nature n'était mis en cause.

    En ce qui concerne les matières relevant d'une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres, le Conseil constitutionnel a vérifié si les stipulations de l'accord ne comportent pas de clause contraire à la constitution. Il n'en est rien.

    Le système de règlement des différends n'est pas contraire à la constitution

    Des quatre arguments présentés, ceux relatifs à l'arbitrage et au principe de précaution ont été retenus par les Sages qui n'y ont vu aucune contrariété constitutionnelle. Le Conseil s'est penché sur la nature précise des stipulations organisant les tribunaux ayant à régler les litiges d'investissements pour retenir les principes suivants :
    - Le chapitre de l'accord qui crée le tribunal a pour objet de contribuer à la protection des investissements réalisés dans les États parties.
    - Le champ d'application du mécanisme de règlement des différends est délimité par les stipulations de l'accord.
    - Les pouvoirs attribués au tribunal sont limités au versement de dommages pécuniaires et à la restitution de biens. Le tribunal ne peut ni interpréter ni annuler des décisions prises par les États.
    - Le tribunal comprend autant de membres désignés par l'Union européenne que par le Canada. Les membres désignés par l'Union européenne le sont par un comité mixte composé paritairement entre l'Union européenne et le Canada qui se prononce par consentement mutuel. En outre, la position de l'Union européenne en la matière doit être fixée d'un commun accord avec les États membres.
    - Les membres du tribunal et du tribunal d'appel doivent répondre à des exigences de qualification.
    - Tout différend peut être porté, le cas échéant, devant le juge national et des mécanismes sont prévus pour éviter les conflits ou les divergences entre le tribunal institué par l'accord et les juridictions de droit interne.

    L'accord énonce que les "règles d'éthique" auxquelles sont soumis les membres du tribunal et dont la correcte application devra permettre que les principes d'indépendance et d'impartialité ne soient pas méconnues.

    Enfin, le Conseil constitutionnel a jugé que les règles qui régissent le tribunal ne méconnaissent pas le principe d'égalité. En particulier, si l'accès au tribunal institué par l'accord est, en France, réservé aux seuls investisseurs canadiens, cela répond à un double motif d'intérêt général. D'une part, l'accord crée, de manière réciproque, un cadre protecteur pour les investisseurs français au Canada. D'autre part, les règles en cause permettent d'attirer les investissements canadiens en France.

    En somme, il n'y a aucune violation du principe d'égalité par davantage qu'aucune contrariété constitutionnelle à voir fonctionner l'Investment Court Système.
    Tout au plus pourra-t-on suggérer à Emmanuel Macron de proposer que la France accueille cette future Cour permanente, notre pratique de l'arbitrage d'investissement permet aisément de revendiquer cette place.

    Le CETA ne contrarie en rien le principe de précaution

    Le Conseil constitutionnel a également statué sur le principe de précaution dont il a réaffirmé la valeur constitutionnelle et rappelle les engagements des parties contenus dans le chapitre 22 de l'accord expressément consacré au commerce et au développement durable.

    Le Conseil constitutionnel a ensuite jugé que l'absence de mention expresse du principe de précaution dans les stipulations de l'accord qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres n'emporte pas de méconnaissance de ce principe. En outre, les décisions du comité mixte sont soumises au respect du principe de précaution protégé par le droit de l'Union européenne, notamment par l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

    Les sages se sont enfin fondés sur le 2 de l'article 24.8 de l'accord qui stipule : "Les parties reconnaissent que, en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne sert pas de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures économiquement efficaces visant à prévenir la dégradation de l'environnement".

    Ces stipulations autorisent les parties à prendre des mesures économiquement efficaces visant à prévenir la dégradation de l'environnement en cas de risque de dommages graves ou irréversibles. En outre, l'instrument interprétatif commun de l'accord précise que les parties sont tenues d'assurer et d'encourager des niveaux élevés de protection de l'environnement.

    Application provisoire confirmée

    Dernier point litigieux qui était soulevé par les opposants, l'application provisoire du CETA a été jugée parfaitement conforme à la constitution déjà parce qu'elle ne porte que sur des stipulations relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne. Par ailleurs, l'accord prévoit la possibilité d'interrompre cette application provisoire en cas d'impossibilité pour une partie de le ratifier.

    Les conditions de dénonciation sont elles aussi jugées constitutionnelles puisque l'accord n'est pas irrévocable et qu'il ne touche pas, eu égard à son objet, à un domaine inhérent à la souveraineté nationale.

    Si nous ne pouvons que nous réjouir de ce que les Sages aient délivré cette analyse juridique pour déclarer le CETA parfaitement compatible avec la constitution, il reste à regretter que certains opposants aient déjà commenté cette décision au son de "le combat continue", preuve qu'il n'est question que d'idéologie.


    En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-172469-pourquoi-le-conseil-constitutionnel-a-t-il-valide-le-ceta-2105366.php#deQrMlWAD82EUvbS.99