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  • Iran : comment s'opposer aux lois extraterritoriales américaines ?

    Publié aux Echos

    Le 8 mai, Donald Trump a décidé de retirer les États-Unis du JCPOA (Join Comprehensive Plan of Action), accord signé avec l’Iran.

    Aux termes d'un suspens qui n'en fut pas, Donald Trump a décidé de retirer les États-Unis d'un nouvel accord international. Après le commerce (TPP) et le climat (Accord de Paris), c'est au tour du traité de Vienne, JCPOA, signé avec l'Iran qui allégeait les sanctions commerciales visant ce pays contre l'engagement de la cessation du programme nucléaire.

    Le retrait américain réactive aussitôt l'embargo qui enserrait jusqu'à il y a peu ce pays. Tout échange est donc de nouveau interdit faute d'encourir le courroux du Department of justice, bien disposé à faire régner une nouvelle fois l'extraterritorialité des lois américaines. Au nom d'une vision globalisée de leur loi, les États-Unis se permettent, depuis l'affaire Siemens, de dicter leur conception de la régulation économique pour imposer des amendes colossales aux groupes qui ne s'alignent pas.

    Les commentaires n'ont pas tardé à fleurir, enjoignant à notre président de la République de réagir contre cette décision inique. Il faut se réjouir de constater que cette question, ô combien aride, émeut enfin. Mais ce n'est pas l'idée d'un Macron se rêvant de Gaulle pour s'opposer au président Trump au nom de la nostalgie d'une grande France éternelle qui justifierait que l'accord de Vienne perdure, mais de simples éléments juridiques.

    Déjà, contrairement aux entreprises que les autorités américaines sanctionnent pour des faits de fraude ou de corruption qui auraient pu justifier de similaires qualifications en droit français, il est ici question d'un État qui ne peut normalement être contraint que par une résolution prise par la communauté internationale.

     

    Ensuite, le retrait américain du traité de Vienne n'emporte en aucun cas sa disparition. Le seul effet juridique qu'il implique est qu'il n'est plus applicable aux États unis retrayants. Il perdure en totalité à l'égard des autres États, qui ont toute latitude pour commercer avec l'Iran.

    D'un point de vue strictement juridique, l'accord de Vienne fait partie intégrante du bloc de légalité français en vertu de son statut. Au contraire des traités multilatéraux qui requièrent une ratification des pays signataires, le JCPOA est un accord de bonne foi devenu résolution 2231 du conseil de sécurité de l'ONU adoptée le 20 juillet 2015, entrée en application à l'égard de tous les membres de l'organisation à la remise du premier rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique, le 16 janvier 2016. Les entreprises françaises qui décideraient de commercer avec nos amis perses ne feraient qu'appliquer scrupuleusement le droit onusien en plus de notre socle normatif, n'en déplaise aux États-Unis.

    Il demeure qu'une loi de blocage revivifiée, à la manière de la loi canadienne qui impose aux entreprises visées par des mesures américaines de ne rien faire d'autre que de laisser les autorités d'Ottawa prendre langue avec leurs homologues de Washington, pourrait être une bonne idée. L'ajout d'une définition de la notion de secret des affaires parachèverait le dispositif aux fins d'empêcher les États-Unis de se montrer trop intrusifs.

    Mais resterait entière la question de la poursuite d'activité des entreprises françaises, dont les intérêts seront immédiatement altérés par défaut de compensation du dollar à la bourse de New York ou blocage des marchandises partout où le bras américain pourra se déployer. Seule une extraterritorialité des lois européennes appliquée avec autant de vigueur pourrait ramener à la raison nos amis américains. Mais il est vrai que l'engrenage qui ne manquerait pas d'en découler serait immanquablement nuisible.

    Au-delà de l'idée de voir Emmanuel Macron tordre le bras américain, il est surtout question d'une vision géostratégique différente. Quels que soient le passé et les petites largesses que Téhéran s'accorde avec le respect de certaines valeurs occidentales, il demeure que l'application de sanctions draconiennes ne sert que les ayatollahs. Il faut savoir ramener les brebis égarées dans le droit chemin et leur offrir les moyens d'un développement économique qui satisfera la population et la découragera d'une haine inutile envers l'occident.

    Il ne faut pas omettre un dernier point, peut-être le plus dramatique. En coupant la voie occidentale, Trump laisse comme seule alternative à l'Iran de se tourner vers l'orient, la Russie et surtout la Chine qui n'en demandait pas tant. D'autant que Pékin, qui n'a jamais eu à subir l'extraterritorialité des lois américaines, est déjà menacé de terribles sanctions américaines qui n'ont provoqué aucune réaction.

    https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-182683-iran-comment-sopposer-aux-lois-extraterritoriales-americaines-2176663.php

  • Libre-échange : pendant que l’Europe tergiverse, l’Afrique avance et crée la ZLEC

    Publié aux Echos

    Le 21 mars 2018, 44 États africains ont signé l’accord créant la ZLEC, zone de libre-échange continentale. En discussion depuis plus de cinq ans, cet espace vise à établir un marché unique pour les biens et les services, incluant la libre circulation des personnes et des capitaux.

    Concluant le sommet exceptionnel de l'Union africaine, Paul Kagamé, président du Rwanda, a salué la création de la gigantesque ZLEC (Zone de Libre-Echange Continentale) qui s'étend du Cap au Caire. En discussion depuis plus de cinq ans, cet espace vise à établir un marché unique pour les biens et les services, incluant la libre circulation des personnes et des capitaux. D'ores et déjà, les tarifs douaniers devraient être éliminés sur 90 % des produits. L'enthousiasme est tel que l'on évoque l'idée d'États-Unis d'Afrique en sus d'une possible union douanière, voire monétaire, à horizon 2028.

    Même si certains États tels que le Nigéria (qui a refusé de signer l'accord à l'instar de l'Érythrée, du Burundi, de la Namibie et de la Sierra Leone) affichent quelques réticences, d'autres comme la Gambie ne cachent pas leur satisfaction en déclarant que les barrières, qui augmentent les prix pour le consommateur, minent la confiance dans le commerce, et réduisent l'investissement dans la région.

    Un précédent avec l'OHADA

    L'Afrique continue d'être un terreau fertile pour la conclusion d'accords internationaux. Déjà en 1993 était conclu l'accord créant l'OHADA, Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires, unissant 17 États africains utilisant le Franc CFA (rejoints par les Comores et la Guinée). Cette organisation a pour objectif de présenter un droit commun à l'ensemble des États signataires visant à constituer un socle uni de règles d'organisation du droit des affaires. Le système juridique et judiciaire mis en place cherche à garantir la sécurité juridique des affaires en adoptant un droit commun des affaires dont l'interprétation est confiée à une seule instance juridictionnelle, la Cour commune de justice et d'arbitrage.

    Certains pourront objecter que les résultats, conséquence des défis immenses auxquels ce système est confronté, sont parfois très mesurés. Il demeure qu'instaurer un droit commun dans cette région paraissait impensable. Le droit OHADA se développe pourtant chaque jour avec autant de colloques, de travaux de recherche et de publications.

     

    ZLEC plus grand espace de libre-échange au monde

    Rien d'étonnant donc à voir la ZLEC concrétisée. Ce qui reste le plus impressionnant est sans doute le fait que le calendrier fixé à l'origine fut grandement respecté. La décision de lancer le projet de zone de libre-échange continentale a été prise en janvier 2012, lors de la 18e session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine. L'objectif fixé pour créer cette zone de libre-échange était l'année 2017. En réalité, les négociations débutèrent en 2016 pour aboutir à l'accord signé en mars dernier.

    Cette zone réunira 1,2 milliard de personnes avec un PIB cumulé de 2 500 milliards de dollars, ce qui en fait le plus grand espace de libre-échange au monde. L'Union africaine estime que l'élimination progressive des droits de douane entre membres de la ZLEC permettra d'augmenter de 60 % d'ici à 2022 le niveau de commerce intra-africain.

    Les Africains ont compris que la libéralisation des échanges agricoles intra-africains constitue l'un des principaux moyens d'atteindre les objectifs d'éradication de la pauvreté, de sécurité alimentaire et d'élimination de la faim.
    Il est tout de même remarquable que certains États aient su dépasser la tradition marxiste et les tentations protectionnistes qui les étreignent parfois pour permettre la concrétisation de cet accord quand l'on observe, dans le même temps, les pudeurs européennes à faire avancer les discussions avec le Mercosur ou l'Australie.

    https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-182026-libre-echange-pendant-que-leurope-tergiverse-lafrique-avance-et-cree-la-zlec-2171204.php