Du fonctionnement du réseau européen de concurrence
Une décision récente de la Cour de cassation (Com. 20 janv. 2015, n° 13-16.745) et deux du Tribunal de l’Union européenne (Trib. UE, 17 déc. 2014, aff. T-201/11 ; 21 janv. 2015, aff. T-355/13) permettent de faire un point sur le fonctionnement du réseau européen de concurrence constitué par vingt-sept autorités nationales de concurrence et par la Commission européenne.
Relations entre la Commission et une autorité nationale de concurrence
L’objectif d’une attribution optimale des affaires inscrit au considérant 18 du règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002 permet le traitement de chaque affaire par une seule autorité de concurrence.
Dans un arrêt du 17 décembre 2014 (aff. T-201/11, Si.mobil telekomunikacijske storitve), le Tribunal de l’Union européenne juge pour la première fois qu’en vertu de l’article 13, § 1, du règlement n° 1/2003, la Commission peut rejeter une plainte fondée sur d’éventuelles infractions à l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (abus de position dominante) au motif qu’une autorité nationale de concurrence a déjà traité l’affaire. Reste à savoir comment interpréter le terme « traiter » mentionné à l’article précité ? Le Tribunal indique qu’il s’agit, pour la Commission, de s’assurer que l’autorité nationale de concurrence a commencé à enquêter sur l’affaire dont elle est saisie (pts 47 s. de la décision). Il précise, également, dans son arrêt que la Commission n’a pas à vérifier les moyens institutionnels, financiers ou techniques dont dispose l’autorité nationale de concurrence saisie.
Dans une seconde affaire l’autorité néerlandaise de concurrence avait rejeté une plainte déposée par la société EasyJet Airline sur le fondement de la législation nationale néerlandaise sur l’aviation. Mécontente, cette dernière a déposé une seconde plainte auprès de la Commission européenne estimant, notamment, que l’autorité néerlandaise n’avait pas pris une décision finale. La Commission a rejeté à son tour la plainte de EasyJet, sur le fondement de l’article 13 du règlement n° 1/2003, au motif que, l’autorité néerlandaise de concurrence avait déjà traité la plainte. Par un arrêt du 21 janvier 2015 (aff. T-355/13, EasyJet Airline), le Tribunal de l’Union européenne rejette le recours de la société. D’une part, il précise, que la Commission européenne dispose d’une large marge d’appréciation dans l’application de l’article 13 du règlement n° 1/2003. D’autre part, le Tribunal réaffirme que le contrôle juridictionnel, dans ce cas, se limite à vérifier que les faits sur lesquels la Commission s’est fondée étaient matériellement exacts et qu’elle n’a pas commis, dans sa décision, d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.
Relations entre deux autorités nationales de concurrence
Les relations entre les autorités nationales de concurrence doivent répondre au principe de coopération loyale au sein du réseau.
C’est ce qu’illustre un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 janvier 2015 (Com. 20 janv. 2015, n° 13-16.745, Carburéacteur, Dalloz actualité, 2 févr. 2015, obs. E. Chevrier). En l’espèce, l’Autorité française de concurrence avait établi une demande d’assistance auprès de l’Office of Fair Traide anglais afin de diligenter pour son compte des visites et saisies domiciliaires au siège social de la société Chevron au Royaume-Uni dans une affaire d’entente sur le marché du carburéacteur de l’aéroport de Saint-Denis de La Réunion (TFUE, art. 101 TFUE et C. com., art. L. 420-1). Les requérantes soutenaient que le juge français était compétent pour autoriser préalablement ces visites inopinées à Londres. Ce à quoi la Cour de cassation répond qu’en vertu de l’article 22 du règlement n° 1/2003 « l’autorité de concurrence qui accepte d’exécuter sur son territoire une mesure d’enquête y procède en appliquant son droit national ». Elle précise que l’autorisation et le déroulement de l’enquête demandée s’effectuent sous le contrôle des juridictions de l’État destinataire de la demande d’assistance.