Droit international des sociétés : fictivité du siège social et mise en œuvre d’une garantie de passif
Dans un litige international, pour apprécier l’exactitude du siège social indiqué dans les conclusions d’une personne morale, il y a lieu de se référer à la loi dont dépend la société en cause.
Il est question dans cet arrêt d’un litige transnational entre plusieurs sociétés, à l’occasion d’une cession de droits sociaux assortie d’une convention de garantie de passif. L’une des sociétés soutient que le siège social indiqué dans les conclusions d’une autre société était fictif (fixé à Limassol à Chypre), et la société a demandé que les écritures de la seconde soient déclarées irrecevables en application des articles 960 et 961 du code de procédure civile. Selon ces dispositions, l’acte de constitution d’avocat en appel doit contenir certaines mentions obligatoires, parmi lesquelles, si la partie est une personne morale, l’indication de son siège social. Se pose la question de savoir selon quelle loi il convient d’apprécier la réalité ou non du siège social. Malgré ce contexte procédural, la Cour de cassation s’en tient à un raisonnement « conflictualiste » d’une grande orthodoxie. Selon elle, en effet, « pour apprécier l’exactitude du siège social indiqué dans les conclusions d’une personne morale, il y a lieu de se référer à la loi dont dépend la société en cause ». En l’occurrence, les juges du fond ont relevé que cette société produisait plusieurs documents datés des 2 juin 2011 et 16 novembre 2012, qui émanaient du « département » du registre des sociétés, dépendant du ministère du commerce de la république de Chypre, établissant que son siège était situé à Limassol, à une adresse qui était celle du cabinet d’une avocate, inscrite au barreau de Chypre depuis 1985, et précisé que celle-ci avait attesté que la fixation du siège de cette société à son bureau était conforme à la législation chypriote. Le caractère fictif de ce siège social, lequel était celui figurant dans tous les actes de la procédure depuis l’introduction de l’instance, n’était donc pas démontré, de telle sorte que la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir jugé les conclusions de la société en cause recevables.
Une autre facette du litige concernait la mise en œuvre de la garantie de passif, question qui est d’ailleurs l’objet d’un contentieux récurrent. En pratique, il est souvent convenu que le déclenchement de la garantie doit être subordonné à l’obligation préalable, de la part du bénéficiaire de celle-ci, d’en informer le cédant. La convention peut prévoir les événements qui obligent le cessionnaire à informer le cédant (notification d’un contrôle fiscal, réclamation à la société de la part d’un tiers, etc.), la forme de la déclaration, ainsi que le délai. La sanction du non-respect de cette obligation est particulièrement sévère : elle consiste en la déchéance pure et simple du bénéficiaire de la garantie de ses droits (Com. 9 juin 2009, n° 08-17.843, Bull. civ. IV, n° 77 ; 15 mars 2011, n° 09-13.299, ). La Cour de cassation demeure parfaitement fidèle à sa jurisprudence. Elle considère, en effet, dans cet arrêt du 21 octobre 2014, que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la volonté des parties, rendue nécessaire par l’imprécision du contrat, que la cour d’appel a dit que la sanction de la déchéance du droit d’obtenir paiement des sommes dues au titre d’un événement entrant dans le champ de la garantie de passif était applicable en cas d’inexécution par le bénéficiaire de son obligation de communiquer au garant, dans le délai convenu, les informations ou documents demandés par ce dernier à la suite de la notification de l’événement considéré ».