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La loi sur le devoir de vigilance des multinationales est définitivement adoptée dans sa vision la plus punitive

Publié aux Echos

Finalement adoptée en dernière lecture, la loi sur le devoir de vigilance des multinationales risque d’ombrager l’attractivité économique de la France. L’idéologie a gagné sur la raison et le réalisme.

Le 21 février, l'Assemblée nationale a adopté, en dernière lecture, la loi imposant un devoir de vigilance aux sociétés mères et donneuses d'ordre, mettant ainsi un terme à plusieurs années de navettes parlementaires. Ce faisant, elle adopte la vision punitive que le Sénat avait tenté de supprimer, estimant, à juste titre semble-t-il, que les dispositions finalement adoptées étaient contraires à la Constitution

Quelles sont les entreprises concernées ?

Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en oeuvre de manière effective un plan de vigilance.

Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au premier alinéa sont réputées satisfaire aux obligations prévues au présent article dès lors que la société qui les contrôle établit et met en oeuvre un plan de vigilance relatif à l'activité de la société et de l'ensemble des filiales ou sociétés qu'elle contrôle. La lecture combinée de ces deux dispositions consiste à rendre obligatoire le plan de vigilance, non seulement aux multinationales ayant leur siège social en France, mais également aux filiales d'entreprises étrangères qui dépassent les seuils fixés. Il appartiendra alors à ces entreprises étrangères de mettre en place un plan de vigilance couvrant l'ensemble de leur périmètre.

Imaginons une multinationale américaine ayant une grosse filiale en France, qui dépasse les seuils fixés, elle devra mettre un plan de vigilance couvrant non seulement l'établissement français, mais l'ensemble de ses établissements dans le monde. Le Sénat avait tenté d'interdire cette folle disposition qui se voit ici consacrée. Nul doute que le caractère excessif de cette disposition ne risque de gravement remettre en cause l'implantation future de filiales de grands groupes mondiaux dans notre pays. D'autant qu'aucun autre droit étranger ne prévoit de telles règles.

Quelles sont les nouvelles obligations ?

Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Le plan de vigilance comportera une cartographie des risques, des procédures d'évaluation et des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves en plus de mécanismes d'alerte et de recueil de signalements. Si la procédure de reporting apparait simple à mettre en place, le reste des obligations est d'un flou très artistique. Les entreprises visées n'auront d'autre choix que de mettre en place des plans de vigilance aussi complets que coûteux, en clair d'en faire plus plutôt que moins pour éviter les sanctions.

Une amende de 10 millions d'euros pouvant être triplée

D'autant que la sanction de 10 millions d'euros touchant une entreprise défaillante a été rétablie par le Palais Bourbon quand le Sénat l'avait judicieusement retirée.
Et s'il y a "manquement", l'entreprise peut être condamnée à réparation selon les principes du droit commun de la responsabilité, et voir la sanction de 10 millions triplée "en fonction de la gravité et des circonstances du manquement et du dommage" sans autres précisions.

Nul doute qu'exposées à de potentielles amendes de 30 millions si un manquement, dont nul ne sait comment il pourrait être caractérisé juridiquement, les entreprises vont déployer, sans délai, des efforts prononcés de vigilance. Reste l'estocade : l'action en responsabilité est introduite devant la juridiction compétente par toute personne justifiant d'un intérêt à agir à cette fin. Voici donc les associations autorisées à poursuivre - à loisir - les multinationales en voyant, précision ultime de la loi, leurs frais de justice payés par ces dernières. À deux jours de la fin de la session parlementaire, voici donc l'ultime marqueur gauchiste de ce quinquennat agonisant.

Reste, si l'on veut éviter de voir les multinationales et leurs filiales fuir notre hexagone, à espérer que soixante députés et soixante sénateurs ne décident de saisir le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi par le Président de la République, et sinon à déposer ensuite une question préjudicielle de constitutionnalité qui devrait, si les sages gardent leur raison et leur droit, sanctionner les outrances et imprécisions de cette funeste loi. L'idéologie a gagné sur la raison et le réalisme.


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