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Commerce international : ne faisons pas du 100 % made in France une obsession

Publié aux Echos

LE CERCLE/POINT DE VUE - Mieux vaut, pour notre balance commerciale, vendre un produit à forte valeur ajoutée française qu'un bien français à 100 %.

«Nos emplettes sont nos emplois» ! La ritournelle n’est pas nouvelle, utilisée en 1981 en réponse à la désindustrialisation par Georges Marchais, par les chambres de commerce en 1993 avant d’être reprise par François Bayrou sous la forme du «produire en France» pour la campagne présidentielle de 2012 et par Arnaud Montebourg et son «made in France» au début du quinquennat de François Hollande sans oublier le label Origine France garanti créé par Yves Jego en 2010.

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Voici donc plusieurs décennies que le patriotisme économique français est brandi comme la solution au marasme et à la mondialisation dévastatrice. L’idée n’est d’ailleurs pas totalement stérile tant il suffit de contempler les études qui démontrent que les Français sont attachés à leur terroir et prêts à payer le prix juste pour un produit dont il leur sera assuré qu’il est confectionné par leurs compatriotes proches.

Et si l’on pense à l’agriculture, en plus de flatter le sentiment cocardier, l’achat sera assurément d’une grande qualité. Ainsi les Bretons se délecteront de leurs huitres, les Occitans de leur Cantal et viandes d’Aubrac et les Normands de leurs agneaux de pré-salé. L’achat devient ainsi politique et permet à chacun de défendre, s’il le souhaite, les producteurs locaux.

Gare à la concurrence entre locaux

Ce chauvinisme régional est une excellente idée pour l’artisanat local, aussitôt contrariée si l’on examine l’initiative du Fabriqué à Paris qui récompense sur la base d’incertains critères les meilleurs artisans parisiens et finit en démagogie d’un localisme artificiel visant à établir une concurrence aussi malsaine que dépassée. Car ici, ce n’est pas la fabrication locale qui est soutenue. Ce sont quelques commerçants mis en exergue au détriment d’autres.

Il n’est donc aucunement question d’une information destinée à proposer un choix aux consommateurs. Il s’agit d’une propagande affichée au bénéfice d’une sélection de producteurs dont les effets ne peuvent être que néfastes instaurant une compétition controuvée donc infructueuse. Il est un second effet pervers du 100 % français observé à la lumière du commerce international, car peu de produits industriels peuvent prétendre à une telle reconnaissance.

Changer d'approche

La manière traditionnelle de quantifier le commerce international n’offre qu’une vision très imparfaite des échanges puisqu’elle ne permet pas de distinguer les apports de chaque pays aux différents stades de production que sont la recherche et développement, la conception, le développement, l’assemblage, la commercialisation, le suivi…

L’éclatement mondial des processus de production a généré une appréhension nouvelle des flux en «valeur ajoutée» qui permet à chaque pays d’identifier sa contribution réelle mesurée dans la différence entre la valeur des consommations intermédiaires importées et la valeur des biens et services exportés. Il suffit d’analyser la production des marques automobiles françaises pour s’apercevoir de la fragilité du mythe.

Lire aussi : Made in France : quand l'identité nationale devient le «nouveau cool»

Pour autant, si le 100 % est illusoire, le made in France persiste à faire sens dès lors que l’on fait sienne l’approche «en valeur ajoutée». Elle permet même de relativiser le triste constat du déficit de la balance commerciale. Dans une note publiée fin octobre par la direction du Trésor, on apprend qu’il serait souvent moins abyssal qu’imaginé en comparaison avec différents partenaires comme la Chine ou l’Allemagne dans la mesure où leurs produits importés en Hexagone contiennent de nombreux composants issus de pays tiers.

La valeur ajoutée de chaque pays paraît d’autant plus diluée que les chaînes de valeurs sont complexes et font apparaître de très nombreux acteurs de différents pays. En réalité, ce qui compte n’est pas de chercher à tout prix une chimérique fabrication 100 % française, mais de tendre vers l’appréciation optimale de la valeur ajoutée française.

Identifier les zones à forte production de valeur ajoutée

Alors, que les secteurs les moins attractifs sont la fabrication de produits pétroliers raffinés et de combustible nucléaire et, dans une moindre mesure, la construction automobile et de matériels de transport, on notera avec intérêt que le secteur aéronautique s’en tire fort bien dégageant une valeur ajoutée française forte malgré les coûts très élevés des importations intermédiaires nécessaires à la construction des Airbus et autres Rafale.

Il importe donc d’identifier les zones à forte production de valeur ajoutée et d’accepter une pleine insertion dans les chaînes de production qui peuvent comporter d’innombrables maillons. Le secteur de la production audiovisuelle est un exemple marquant du dynamisme français des entreprises de conception d’images 3D qui ont vocation à nourrir les productions américaines. Recherche et développement ainsi que conception sont, avec l’assemblage robotisé dans une moindre mesure, les zones où l’intelligence – artificielle ou non – a le plus de champs à explorer et de valeurs à faire émerger.

Quant à ceux, les rares qui ne vivent pas en adoration du modèle allemand et contemplent avec envie le japonais avec sa troisième économie mondiale qui reste stable en dépit des turbulences, il suffit de leur indiquer que leur réussite qui repose sur un hermétisme fort n’est possible qu’en raison de la forte identité nationale et du culte du travail, valeurs qui ont depuis longtemps déserté l’Hexagone. En outre, il est indéniable que le Japon s’ouvre tant il suffit de voir que le Jefta, l’accord de libre-échange conclu avec l’Europe vient d’être signé à la suite du Traité transpacifique. Le made in France est donc une merveilleuse idée qu’il faut prendre garde de ne pas instrumentaliser

En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-177420-attention-aux-derives-du-100-made-in-france-2140002.php#uOlTbwaDxLZsS3pY.99

LE CERCLE/POINT DE VUE - Mieux vaut, pour notre balance commerciale, vendre un produit à forte valeur ajoutée française qu'un bien français à 100 %.

«Nos emplettes sont nos emplois» ! La ritournelle n’est pas nouvelle, utilisée en 1981 en réponse à la désindustrialisation par Georges Marchais, par les chambres de commerce en 1993 avant d’être reprise par François Bayrou sous la forme du «produire en France» pour la campagne présidentielle de 2012 et par Arnaud Montebourg et son «made in France» au début du quinquennat de François Hollande sans oublier le label Origine France garanti créé par Yves Jego en 2010.

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Voici donc plusieurs décennies que le patriotisme économique français est brandi comme la solution au marasme et à la mondialisation dévastatrice. L’idée n’est d’ailleurs pas totalement stérile tant il suffit de contempler les études qui démontrent que les Français sont attachés à leur terroir et prêts à payer le prix juste pour un produit dont il leur sera assuré qu’il est confectionné par leurs compatriotes proches.

Et si l’on pense à l’agriculture, en plus de flatter le sentiment cocardier, l’achat sera assurément d’une grande qualité. Ainsi les Bretons se délecteront de leurs huitres, les Occitans de leur Cantal et viandes d’Aubrac et les Normands de leurs agneaux de pré-salé. L’achat devient ainsi politique et permet à chacun de défendre, s’il le souhaite, les producteurs locaux.

Gare à la concurrence entre locaux

Ce chauvinisme régional est une excellente idée pour l’artisanat local, aussitôt contrariée si l’on examine l’initiative du Fabriqué à Paris qui récompense sur la base d’incertains critères les meilleurs artisans parisiens et finit en démagogie d’un localisme artificiel visant à établir une concurrence aussi malsaine que dépassée. Car ici, ce n’est pas la fabrication locale qui est soutenue. Ce sont quelques commerçants mis en exergue au détriment d’autres.

 

Il n’est donc aucunement question d’une information destinée à proposer un choix aux consommateurs. Il s’agit d’une propagande affichée au bénéfice d’une sélection de producteurs dont les effets ne peuvent être que néfastes instaurant une compétition controuvée donc infructueuse. Il est un second effet pervers du 100 % français observé à la lumière du commerce international, car peu de produits industriels peuvent prétendre à une telle reconnaissance.

Changer d'approche

La manière traditionnelle de quantifier le commerce international n’offre qu’une vision très imparfaite des échanges puisqu’elle ne permet pas de distinguer les apports de chaque pays aux différents stades de production que sont la recherche et développement, la conception, le développement, l’assemblage, la commercialisation, le suivi…

L’éclatement mondial des processus de production a généré une appréhension nouvelle des flux en «valeur ajoutée» qui permet à chaque pays d’identifier sa contribution réelle mesurée dans la différence entre la valeur des consommations intermédiaires importées et la valeur des biens et services exportés. Il suffit d’analyser la production des marques automobiles françaises pour s’apercevoir de la fragilité du mythe.

Lire aussi : Made in France : quand l'identité nationale devient le «nouveau cool»

Pour autant, si le 100 % est illusoire, le made in France persiste à faire sens dès lors que l’on fait sienne l’approche «en valeur ajoutée». Elle permet même de relativiser le triste constat du déficit de la balance commerciale. Dans une note publiée fin octobre par la direction du Trésor, on apprend qu’il serait souvent moins abyssal qu’imaginé en comparaison avec différents partenaires comme la Chine ou l’Allemagne dans la mesure où leurs produits importés en Hexagone contiennent de nombreux composants issus de pays tiers.

La valeur ajoutée de chaque pays paraît d’autant plus diluée que les chaînes de valeurs sont complexes et font apparaître de très nombreux acteurs de différents pays. En réalité, ce qui compte n’est pas de chercher à tout prix une chimérique fabrication 100 % française, mais de tendre vers l’appréciation optimale de la valeur ajoutée française.

Identifier les zones à forte production de valeur ajoutée

Alors, que les secteurs les moins attractifs sont la fabrication de produits pétroliers raffinés et de combustible nucléaire et, dans une moindre mesure, la construction automobile et de matériels de transport, on notera avec intérêt que le secteur aéronautique s’en tire fort bien dégageant une valeur ajoutée française forte malgré les coûts très élevés des importations intermédiaires nécessaires à la construction des Airbus et autres Rafale.

Il importe donc d’identifier les zones à forte production de valeur ajoutée et d’accepter une pleine insertion dans les chaînes de production qui peuvent comporter d’innombrables maillons. Le secteur de la production audiovisuelle est un exemple marquant du dynamisme français des entreprises de conception d’images 3D qui ont vocation à nourrir les productions américaines. Recherche et développement ainsi que conception sont, avec l’assemblage robotisé dans une moindre mesure, les zones où l’intelligence – artificielle ou non – a le plus de champs à explorer et de valeurs à faire émerger.

Quant à ceux, les rares qui ne vivent pas en adoration du modèle allemand et contemplent avec envie le japonais avec sa troisième économie mondiale qui reste stable en dépit des turbulences, il suffit de leur indiquer que leur réussite qui repose sur un hermétisme fort n’est possible qu’en raison de la forte identité nationale et du culte du travail, valeurs qui ont depuis longtemps déserté l’Hexagone. En outre, il est indéniable que le Japon s’ouvre tant il suffit de voir que le Jefta, l’accord de libre-échange conclu avec l’Europe vient d’être signé à la suite du Traité transpacifique. Le made in France est donc une merveilleuse idée qu’il faut prendre garde de ne pas instrumentaliser


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