Quand une petite région belge risque de faire capoter le CETA
Publié aux Echos
LE CERCLE/POINT DE VUE - La Wallonie, région belge de 3,5 millions d'habitants, a rejeté cette nuit une nouvelle version de l'accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada. C'est un non-sens.
La Wallonie ne veut rien lâcher. La région francophone belge a maintenu, cette nuit, lors du sommet européen de Bruxelles, son opposition au projet d’accord de libre-échange commercial entre l’Union européenne (UE) et le Canada (CETA).
Le gouvernement national belge ne peut donner son feu vert si l'un des trois gouvernements régionaux du pays oppose son veto. Et le ministre-président Paul Magnette, à la tête d'une région de 3,5 millions d'habitants, campe sur ses positions de manière ahurissante.
Le cas de la Wallonie interpelle quand l’on sait que le Premier ministre belge Charles Michel ne cesse de se déclarer pleinement favorable à ce traité que nul autre ne critique. Même le gouvernement français, pourtant très réservé sur ces questions de libre-échange, s’y est déclaré, lui aussi, favorable !
Selon l'échéancier prévu, le CETA devait obtenir l'aval du Conseil européen aujourd’hui. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau , devait se rendre à Bruxelles le 27 octobre prochain pour signer officiellement l'entente, avant qu'elle ne soit soumise aux diverses législatures nationales et au Parlement européen. Ça, c’était avant.
A quoi joue la Wallonie ?
Cela n’a échappé à personne, la Belgique a traversé, ces dernières années, une crise institutionnelle sans précédent, dépourvue de gouvernement pendant plus d’un an. Les relations entre Wallons et Flamands se font de plus en plus acrimonieuses au point de voir réapparaître de temps à autre l’idée d’une sécession.
La Wallonie, qui pèse un quart du PIB belge, semble estimer que le CETA menacerait l'agriculture et l'industrie manufacturière, secteurs dans lesquels la Wallonie est peu représentative. Ce sont surtout les préoccupations en matière d'aliments, de travail et d'environnement qui semblent conduire l’obstruction de Paul Magnette.
Cela n’aura échappé à personne, ce dernier, professeur de sciences politiques, fervent défenseur de l’écologie, a visiblement à coeur de promouvoir, au-delà des intérêts stratégiques européens, une conception personnelle de la politique et son avenir personnel. Peut-être faut-il voir dans l’intitulé de l’un de ses derniers ouvrages, « La gauche ne meurt jamais », la raison profonde de cette attitude irréaliste.
Un avenir compromis
« Si nous ne sommes pas capables de convaincre les peuples que ces accords commerciaux sont dans leur intérêt, que nos représentants négocient pour protéger les intérêts de la population, j'ai bien peur que le CETA soit le dernier accord commercial négocié par l'UE », déclarait hier soir Donald Tusk , le président du Conseil européen.
Le principe majoritaire qui a longtemps prévalu pour asseoir la construction européenne se voit ici malmener. L’Europe est un compromis pour lequel les équilibres ont toujours eu du mal à émerger. Mais jamais encore une position ultra minoritaire n’avait menacé son existence et ses intérêts.
Hervé Guyader est président du Comité français pour le droit du commerce international
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