Demande de réparations à l'Allemagne: à quoi joue la Grèce?
L'Allemagne brutalement rappelée à son passé. Ce mercredi à Bruxelles, la Grèce, qui a basculé à gauche toute après la victoire de Syriza, présente à l'Eurogroupe son plan alternatif pour rembourser sa dette. Le premier ministre Alexis Tsipras, fort de la confiance qu'il a obtenue dimanche au Parlement, refuse la prolongation du programme d'aides européen, qui se termine fin février. Conformément au mandat qui lui a été confié de faire cesser la politique d'austérité imposée en contrepartie de ces aides. Face à l'hostilité affichée par l'Allemagne, Alexis Tsipras n'a pas hésité à déterrer la hache de guerre dans son discours de politique générale. La hache de la seconde guerre mondiale.
"Une obligation historique"
"Il y a une obligation morale envers notre peuple, envers l'Histoire, envers tous les peuples européens qui se sont battus et ont donné leur sang contre le nazisme, une obligation historique" d'exiger de l'Allemagne des "dommages de guerre", a déclaré Alexis Tsipras devant le Parlement grec. Il s'agit d'un "droit inassouvi", avait-il dit pendant sa campagne électorale.
La somme réclamée s'élève à 162 milliards d'euros, selon la Cour des comptes grecque. Une somme qui se compose des réserves d'or du pays, "empruntées" en 1941 et jamais remboursées, d'une valeur de 11 milliards d'euros, et du coût des pillages qu'a subi le pays. L'occupation nazie de la Grèce a été parmi les plus sanglantes en Europe. Les quelque 60 milliards dûs par la Grèce à l'Allemagne dans le cadre de l'aide européenne pour son aide font évidemment pâle figure à côté. Histoire, honneur... Face au boutiquier allemand, Tsipras fait rouler de puissants tambours.
Pour certains, cette revendication bien connue du programme de Syriza fait simplement partie du folklore grec. Elle avait déjà été agitée en 2012, quand les manifestants affublaient Angela Merkel de la moustache d'Hitler. A l'époque la dette allemande envers la Grèce était quelquefois évaluée à 1000 milliards d'euros. Depuis le début de la crise, bien des politiques grecs ont agité cette menace, sans qu'elle soit prise au sérieux. Pour l'Allemagne, le dossier des réparations de guerre est clos depuis 1990, quand elle a signé à Moscou un dernier traité avec les vainqueurs de la guerre, dont la Grèce, après sa réunification.
Demande formelle de réparations
Mais la menace prend cette semaine une tournure plus concrète. La Grèce a remis hier mardi à Berlin une demande formelle de réparations de guerre, signale Le Monde. Pour un observateur comme Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, Alexis Tsipras "joue avec les allumettes de l'histoire". En effet "tous les pays européens ont renoncé, en 1953, aux réparations de guerre pour ne pas répéter l'erreur du traité de Versailles". Traité qui, en saignant l'économie allemande après 1919, avait poussé le peuple dans les bras d'Hitler.
La démarche grecque a été accueillie avec consternation par les parlementaires européens: "Ce n'est pas la meilleure manière de faire avancer le débat", pour le co-président des Verts Philippe Lamberts. "Berlin sera la clef du règlement de la crise et devra faire des concessions. Une telle revendication ne va pas aider à pacifier le débat", a-t-il expliqué. "C'est l'inverse de ce qu'il faut faire", a abondé le chef du groupe Socialiste Gianni Pittella, déplorant un "retour de l'égoïsme national". Jusqu'où Athènes ira dans cette direction?
L'Allemagne, "plus mauvais payeur"
Ironie du sort, en exigeant le remboursement intégral de la dette, l'Allemagne semble placer la Grèce dans sa position en 1918. Avant qu'une succession d'accords internationaux n'allège son fardeau. L'accord de Londres en 1953, explique La Tribune, avait aussi permis de réduire de moitié la dette allemande d'avant-guerre. "L'Allemagne a été le plus mauvais payeur de dettes du XXe siècle", assurait le professeur d'histoire économique Albrecht Ritschl dans un entretien accordé au Spiegel en 2011. Ce qui n'est pas étranger au miracle économique qui l'a fait prospérer dans les années 60
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