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HERVE GUYADER - Page 25

  • Pourquoi l’Europe refuse le statut d’économie de marché à la Chine ?

    Contribution publiée aux Echos.

     

    Les Eurodéputés refusent à la Chine le bénéfice du statut d’économie de marché. Alors que les esprits restent focalisés sur le dernier round de négociations du traité transatlantique, l’Europe vient de prendre, le 12 mai dernier, une résolution non législative en refusant le statut d’économie de marché à la Chine.

    Alors que les esprits restent focalisés sur le dernier round de négociations du traité transatlantique, l'Europe vient de prendre, le 12 mai dernier, une résolution non législative en refusant le statut d'économie de marché à la Chine.

    Une économie non marchande

    En 2001, en devenant membre de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), Pékin avait obtenu le statut d' "économie non marchande" durant une période transitoire de 15 ans. À ce titre, l'Union européenne (entre autres) a été autorisée à déployer des instruments de défense commerciale à l'encontre de la Chine afin de déjouer les pratiques de concurrence déloyale, notamment par l'instauration de mesures antidumping et anti-subvention à l'importation.

    Fin 2016, l'OMC aura à se prononcer sur le statut de l'économie chinoise. En attendant, l'Europe a pris sa décision de refus constatant que les engagements pris voici 15 ans avaient été peu respectés et que les systèmes économiques et financiers du pays sont encore sous contrôle direct de l'État.

    Plus précisément, l'Union européenne s'appuie sur cinq critères pour accorder le statut d'économie de marché : répartition des ressources économiques par le marché, suppression du commerce de troc, gouvernance d'entreprise, droits de propriété et ouverture du secteur financier. Le seul progrès réalisé par la Chine est la suppression du troc, soit le plus insignifiant.

    Cela n'a échappé à personne, l'industrie européenne a déjà perdu des milliers d'emplois dans les secteurs des pièces de véhicules automobiles, de l'acier, de la céramique, du verre, de l'aluminium en grande partie à cause des effets secondaires de la surcapacité de la Chine et du dumping qui en résulte.

    Différentes études montrent que la hausse des importations qui aurait découlé de l'octroi à la Chine du statut d'économie de marché aurait réduit la production de l'UE de plus de 200 milliards d'euros par an, ce qui se serait traduit par une chute de 2 % du PIB de l'UE. Entre 1,7 et 3,5 millions d'Européens auraient corrélativement perdu leur emploi dans les industries en concurrence avec les importations chinoises.

    Lutte contre le dumping

    Donner à la Chine le statut d'économie de marché serait revenu à lui offrir un permis illimité de dumping, ce que l'Europe ne pouvait pas permettre comme en témoigne la tribune publiée par certains députés européens en début de semaine. En effet, sur les 37 mesures antidumping européennes actuellement en vigueur sur l'acier, 16 impliquent la Chine. Pire, 56 des 73 mesures actuelles anti-dumping européennes concernent les importations en provenance de Chine.

    Certains observateurs ont souligné que Pékin avait déployé bien plus de pressions et d'efforts à tenter de convaincre les parlementaires européens qu'à procéder aux réformes auxquelles elle s'était engagée. Ce faisant, l'Europe se ménage le droit d'user de moyens juridiques de rétorsion économique à l'encontre de la Chine.

    La procédure antidumping est un des principaux outils utilisés pour réguler les importations et protéger son marché sur la base des règles du droit du commerce international. Le principe du dumping commercial (vente à perte en dessous du prix de revient) est en effet interdit par l'Organisation Mondiale du Commerce.

    En rétorsion à une pratique de dumping juridiquement prouvée, tout pays membre de l'OMC a la possibilité de mettre en place une taxation supplémentaire à l'importation pour les produits concernés afin de protéger son marché. Cette taxation supplémentaire, dénommée droit antidumping, est ajoutée aux droits de douane et rentre dans l'assiette de calcul de la TVA.

    Il faut bien comprendre que le libre-échange ne signifie en rien dérégulation, mais au contraire de respecter un grand nombre de règles et de comportements qui visent à fluidifier les échanges en en supprimant les entraves. Finalement, tendre vers cette liberté suppose un effort de tous les instants pour atteindre cet objectif sain et vertueux.

    Dans cette démarche, il serait bon d'étoffer l'arsenal juridique à même de nous protéger contre ces pratiques illégales afin de faire en sorte que le chemin vers le libre-échange soit encadré.

     

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  • Interview dans Pélerin à propos du TTIP.

    Interview dans Pélerin à propos du TTIP.

    Tafta : entre craintes et espoirs des européens

     

    Les industriels attendent beaucoup d’une harmonisation des réglementations. Aujourd’hui, pour être vendu de l’autre côté de l’Atlantique, une voiture, un cosmétique ou un médicament doit repasser une batterie de tests différents de ceux de son pays d’origine.

    S’entendre sur les normes de sécurité réduirait le prix d’un produit de 15 à 20 %

    → affirme l’avocat d’affaires Hervé Guyader, président du Comité français pour le droit du commerce international (CFDCI).

    Les États-Unis vont-ils en profiter pour imposer des normes de sécurité au rabais ? Pur fantasme, juge l’avocat. Après tout, ce sont les autorités américaines qui ont découvert la fraude à la pollution de l’allemand Volkswagen ! À long terme, une entente USA-UE permettrait de fixer des normes mondiales pour de multiples produits, avant que la Chine n’impose les siennes.

     

    http://www.pelerin.com/A-la-une/Tafta-entre-craintes-et-espoirs-des-europeens

  • L’arbitrage ISDS n’est pas anti-démocratique

    Note publiée sur le site de l'Alliance pour le Commerce Responsable et ARC.trade

     

    C’est au prix d’une étrange confusion des genres que l’arbitrage pour le règlement des différends entre investisseurs et États (l’ISDS selon l’acronyme anglais) est présenté comme étant anti-démocratique. L’argument déjà présenté par le parti socialiste (Pervenche Bérès) a été repris par Alfred de Zayas, expert indépendant de l’ONU sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable.

    « Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) existant doit être abandonné et aucun nouveau traité d’investissement ne devrait contenir des dispositions sur la privatisation ou semi-privatisation du règlement des différends » a-t-il déclaré.

    Justifiée dans certains pays en proie à l’instabilité ou au manque d’indépendance de la justice, la clause d’arbitrage n’a pas d’utilité entre les pays engagés dans le respect de l’État de droit. « C’est tout à fait inutile dans des pays signataires du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui se sont engagés à respecter les procédures requises et l’état de droit ».

    « Malheureusement, le règlement des différends entre investisseurs et États n’est pas mort, et le système de tribunal d’investissement proposé dans le cadre du TTIP est un zombie du RDIE, qui souffre des mêmes défaillances fondamentales ».

    « Ce sont les États, et particulièrement les États développés, ainsi que leur population, qui ont besoin de protection contre les investisseurs prédateurs ». « Le temps est venu d’abolir le RDIE et l’ICS pour s’assurer que, dorénavant, le commerce œuvre pour les droits de l’Homme et non contre eux. Les apriorismes idéologiques des fondamentalistes du marché doivent céder la place au bon sens, au respect des traités existants sur les droits de l’Homme, aux objectifs de développement durable et à la lutte urgente contre le changement climatique », a-t-il conclu.

    Au-delà des affirmations de principe, aucun argument autre qu’idéologique ne vient les étayer.

    Tout au plus peut-on en déduire que l’arbitrage est censé interdire au gouvernement français de légiférer au nom de l’intérêt général, contre les intérêts des investisseurs étrangers. Législation sociale, sanitaire comme environnementale resteraient ainsi à jamais figées dans leur état actuel nous privant de tout progrès, ou pour mieux dire de tout alourdissement.

    Peut-être est-ce l’absence d’une mention de ce que la décision arbitrale n’est pas rendue « au nom du Peuple » qui justifie cette critique. Ou alors est-ce le caractère privé ? Car nul ne conteste que l’arbitrage est un service privé de la justice parfaitement encadré par le décret de 2011 intégré au Code de procédure civile.

    Affirmer que l’arbitrage est anti-démocratique semble indiquer qu’une fois engagée, la procédure sanctionnerait irrémédiablement l’Etat. C’est oublier que le fait qu’une action en justice soit enrôlée ne préjuge aucunement de son résultat, sauf à considérer que la position défendue par l’Etat soit à ce point illicite qu’elle ne survivrait pas à un examen légal approfondi. En bien d’autres endroits, l’exercice d’une voie de droit est toujours jugée comme un progrès démocratique, surtout lorsque l’Etat peut être contrarié.

    Sans doute est-ce plutôt par référence à une certaine idée de la souveraineté que ce mode de règlement de conflits hérisse tant. L’on peine cependant à comprendre son lien avec la démocratie.

    A ceux qui contestent l’utilité de l’arbitrage ISDS, il faudrait rappeler que c’est sur le fondement de l’indemnisation des expropriations présente dans le traité sur la charte de l’énergie que Youkos avait fait condamner l’Etat russe à 50 milliards de dollars de dédommagements. Aucun commentateur n’avait, à l’époque, fustigé cette procédure comme privant la Russie du plein exercice de ses droits démocratiques. Nous savons que, depuis, la sentence arbitrale a été annulée pour absence de ratification par la Russie dudit traité dont les clauses (celle d’arbitrage notamment) lui étaient donc inapplicables.

    Ce qui importe dans un Etat de droit, c’est que les procédures soient prévues, encadrées par un cadre législatif ou réglementaire. C’est le cas de l’arbitrage dont nul espace n’échappe au Code de procédure civile. Les prétendues carences démocratiques ne sont qu’un prétexte destiné à jeter le trouble.

     

    http://www.arc.trade/fr/node/1145