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HERVE GUYADER - Page 268

  • Clause de porte fort et contrat de travail

    Soc. 3 mai 2012, n° 11-10.501

    Une comédienne a été engagée afin de jouer le rôle d’Elvire dans la pièce Dom Juan de Molière et le contrat prévoyait que l’artiste avait « priorité de droit pour une éventuelle tournée, les conditions générales, notamment financières, devant faire l’objet d’un contrat ultérieur avec le ou les producteurs de la tournée ». Or, la tournée a bien eu lieu mais le nouveau producteur n’a pas engagé la comédienne. Les juges du fond, approuvés par la Chambre sociale, ont considéré qu’il y avait là une clause de porte-fort.

    Une particularité peut être soulignée dans cette affaire puisqu’en l’espèce l’employeur qui avait la qualité de porte-fort s’était engagé à ce que le tiers, l’éventuel producteur d’une tournée, négocie en premier lieu avec la comédienne afin que cette dernière reprenne son rôle. La promesse portait donc sur un acte à venir, à des conditions non encore définies, et non pas sur un acte déjà négocié, configuration plus classique en matière de porte-fort.

    En effet, l’engagement de porte-fort est la convention par laquelle une personne promet le fait d’un tiers. Si le tiers réalise le fait promis, le promettant est libéré, mais s’il ne le réalise pas, le promettant engage sa responsabilité contractuelle pour inexécution de son obligation. Il s’agit donc d’une opération juridique à trois personnes, mais fondée sur la volonté de deux seules, le promettant et le bénéficiaire.

    La clause de porte-fort est plutôt rare dans le contentieux judiciaire ce qui fait l’intérêt de la présente décision (Cf. cependant Soc. 8 juill. 1997, n° 95-14.445).

    Comme le rappelle la Cour, la clause de porte-fort a pour effet de créer une obligation de résultat à l’égard du porte-fort qui s’engage à ce que le tiers ratifie l’acte et non pas à faire tout son possible pour que le tiers ratifie (V. Civ. 1re, 25 janv. 2005, n° 01-15.926, Bull. civ. I, n° 43). Le promettant qui engage sa responsabilité contractuelle est condamné à verser des dommages-intérêts à la comédienne.

    Il appartiendra aux prochains rédacteurs de porte fort de s'assurer de ce que le tiers respecte l'engagement pris faute de les exposer à bourse délier.

     

  • La notion de faute détachable n'existe pas en droit de la copropriété

    Cass. Civ. 3, 23 mai 2012, n° 11-14.599

    Le syndic de copropriété engage sa responsabilité à l’égard du syndicat des copropriétaires dans l’exécution de son mandat.

    Connue, notamment du droit du travail comme du droit admnistratif, la notion de faute détachable est un merveilleux concept permettant à celui ayant commis une faute de soutenir qu'elle est détachable de ses fonctions pour amoindrir voire éluder sa responsabilité.

    Dans cette affaire, un syndicat des copropriétaires avait vu sa responsabilité engagée à raison d’infiltrations trouvant leur origine dans la plantation de bambous sur une terrasse à jouissance privative.

    Afin d’être garanti des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées contre lui, le syndicat a assigné le copropriétaire du lot auquel était attachée la jouissance de la terrasse, ainsi que la société syndic.

    En appel, les juges ont refusé de retenir la responsabilité personnelle de cette dernière, estimant que la faute qui lui est reprochée n’est pas détachable de ses fonctions et que, partant, seul le syndicat est responsable.

    L'arrêt illustré confirme le refus de la Cour de casssation de l'admettre en droit de la copropriété (Par le passé Civ. 3e, 6 mars 1991, Bull. civ. III, n° 79 ; D. 1991. IR 93  ; RDI 1991. 260, obs. C. Giverdon  ; 25 janv. 1994, D. 1994. Somm. 207, obs. P. Capoulade  ; RDI 1994. 29) au motif, tout à fait justifié que cette idée se heurte au droit du mandat, qu'il soit conventionnel ou institutionnel.

    L’article 1992 du code civil qui, en son alinéa 1er, précise, en effet, que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion : le syndic de copropriété engage sa responsabilité à l’égard du syndicat des copropriétaires dans l’exécution de son mandat.

  • Elargissement critiquable de l'accès dérogatoire à la profession d'avocat

     

     

     

    Elargissement critiquable de l’accès dérogatoire à la profession d’avocat

     

    Décret 2012-441 du 3 avril 2012

     

     

     

    C’est non sans surprise que nous avons découvert le décret n° 2012-441 du 3 avril 2012 relatif aux conditions particulières d'accès à la profession d'avocat publié au Journal Officiel le 4 avril dernier.

     

    Ce texte instaure un nouvel accès dérogatoire à la profession d'avocat par l'ajout d'un article 97-1 au décret du 27 novembre 1991, lequel dispose que « les personnes justifiant de huit ans au moins d'exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l'élaboration de la loi sont dispensées de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ».

     

     Lors de sa séance du 27 mars 2012, le Conseil de l'Ordre avait voté une résolution demandant à la Chancellerie un réexamen du projet de décret et avait proposé différentes pistes de réflexion.

     

    Le Conseil national des barreaux (CNB) n’était guère plus resté inactif en adoptant, lors de son assemblée générale des 20 et 21 mars dernier, une résolution autorisant son président à former un recours devant le Conseil d’Etat pour voir annuler le texte incriminé.

     

    En effet, outre que ce décret a été pris par une autorité incompétente, les seuls Gardes des sceaux et Premier ministre, et non par le Garde des sceaux et le ministre de l’enseignement supérieur, c’est surtout en ce qu’il ouvre une voie dérogatoire aux personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi que ce décret mérite censure.

     

    Car, l’on peine à discerner le contenu de cette formule pour le moins ambiguë ; la catégorie de personnes pouvant justifier de cette expérience de collaboration directe au processus législatif manquant de précision.

     

    Certes, personne n’est dupe. Chacun sait que, depuis des mois, l’exécutif sortant cherche tout moyen pour garantir une voie de sortie honorable aux innombrables parlementaires ou ministres dont l’avenir paraît compromis.

     

    Que la profession d’avocat soit choisie pourrait être flatteur si la voie dérogatoire instituée ne conduisait à l’altérer puisqu’elle exonère l’impétrant de toute la formation théorique et pratique du CAPA.

     

    Par ailleurs, malgré les demandes formulées par le CNB, il n’est fait aucune référence à une condition de diplôme. Cette exigence inscrite dans la loi n’a normalement rien à craindre du silence de ce malheureux décret. Pour  autant, la répétition, pour lourde qu’elle fût, aurait permis d’éviter le doute existant désormais.

     

    Le CNB avait, de plus, proposé de désigner nommément dans le décret ceux qui bénéficieraient le cas échéant de cet accès parallèle : les députés, les sénateurs et les ministres titulaires d’au moins une maîtrise en droit et ayant pendant huit années travaillé effectivement, en raison de leurs qualités de juristes, à l’élaboration de textes législatifs. S’y ajoutait la condition d’une formation d’au moins vingt heures en déontologie préalable à l’admission au Barreau.

     

    Car la profession d’avocat ne se résume pas à la commercialisation d’un carnet d’adresse. Il y semble davantage question de probité, de devoirs et de conscience. Le conseil, l’assistance, la défense des clients dans des cas parfois épineux recommande le respect de principes déontologiques qui font l’honneur de cette profession et demandent d’être étudiés avant d’être respectés.

     

    Il n’est donc nulle question d’une quelconque rancœur d’avocats jaloux de la facilité accordée à d’autres tant nul n’ignore que le carnet d’adresses, une fois la fonction perdue, a souvent vocation à se rétrécir grandement.

     

    Il est simplement dommage que le prestige d’une profession soit encore tellement grand qu’elle se voit convoyée pour sauver des carrières politiques brisées, et que les justiciables puissent être représentés par des avocats n’ayant qu’une très vague idée de la manière de mener à bien le combat qu’on leur demandera de porter.

     

    Tout l’intérêt d’une profession réglementée par un Ordre est précisément de garantir à chaque citoyen de trouver en l’avocat choisi un interlocuteur capable et compétent.

     

    Le décret illustré brise cette exigence.

     

    Il reste à espérer que le Conseil d’Etat entre en voie de censure à son encontre.

     

     

     

     

     

    Avocat au Barreau de Paris